Article paru le Dimanche 11 juillet dans le Soleil de Québec sous la plume de M. Louis-Guy Lemieux
LES GRANDES FAMILLES: LES BÉLANGER
DEUX ANCÊTRES PROLIFIQUES
François et Nicolas Bélanger, arrivés en Nouvelle-France
a 20 ans d'intervalle, auront chacun 12 enfants.
Les Bélanger ont de qui tenir. Leur premier ancêtre,
François, était à la fois une forte personnalité et un personnage. Quant au
deuxième ancêtres, Nicolas, arrivé 20 ans après l'autre, il sera moins
flamboyant. Il trouvera, cependant, le moyen de laisser son nom dans la petite
histoire de Beauport à travers l'historique maison Girardin, que les gens de la
place appellent encore la maison Bélanger-Girardin.
L'aventure au Nouveau Monde de François Bellenger (c'est ainsi qu'il signait)
est un bel exemple de réussite. Arrivé ici comme maçon et devenu cultivateur
par la force des choses, François finira sa vie avec le titre de seigneur de
Bonsecours, dans la région de l'Islet, sur la Côte-du-Sud. À noter qu'il était
instruit, ce qui la plaçait déjà dans une situation avantageuse parmi les
premiers colons de la Nouvelle-France. Ceux-ci , pour la plupart, signaient
d'une croix faute de savoir écrire leur nom.
Dans Nos Ancêtres, une œuvre monumentale en 30 tomes,
Gérard Lebel et Jacques Saintonge citent le généalogiste et archiviste
Archange Godbout au sujet de François Bélanger. Godbout trace du premier
Bélanger un portrait élogieux à tout prendre mais sans complaisance.
" François Bélanger , écrit-il, fut actif et débrouillard, et les
notaires du temps, dans leurs contrats, nous montrent tantôt l'homme d'affaires
averti, probe et honnête (...) tantôt l'homme recherché comme expert et
évaluateur (...) Pour être juste, il faut ajouter que François Bélanger était
autoritaire et violent, tenace dans ses revendications et voulait, avant tout,
que ses idées fussent celles des autres (...) ce qui lui occasionna quelques
ennuis (...) car il n'était pas infaillible, même s'il en appelait à l'évêque
(sic) et au gouverneur de la Nouvelle-France."
Dans le site Internet -- remarquablement bien fait -- de
l'Association des familles Bélanger, le recherchiste Raymond Bélanger présente
l'ancêtre François plus sobrement comme ''un colonisateur, un homme public, un
plaideur et un colon relativement à l'aise à la fin de sa vie." Autre
trait de sa personnalité: il ambitionnait de devenir seigneur et son rêve s'est
réalisé.
Raymond Bélanger estime à plus de 65000 le nombre de descendants de
l'ancêtre François. Pourtant , on ne connaît pas de façon certaine le lieu de
naissance de ce pionnier prolifique. Vient-il de la Normandie ou du Perche de
l'époque ? Son village natal s'appele-t-il Touques, en Normandie, ou
Saint-Pierre de Sées, dans le Perche? Les généalogistes se contredisent à ce
sujet.
Pour sa part, Michel Langlois tranche de façon lapidaire dans son incontournable
Dictionnaire biographique des ancêtres québécois. "Nous
ignorons la filiation de cet ancêtre, mais nous savons par son acte de
confirmation à Château-Richer, le lundi 2 février 1660, qu'il vient de l'évêché
de Lisieux, en Normandie.
UN DES PREMIERS
Ce que nous savons de façon certaine, c'est qu'il épouse à Québec, le
12 juillet 1637, Marie Guyon, née à Saint-Jean de Mortagne, au Perche. La
jeune épouse a 13 ans et son mari, 25 ans. De leur union naissent 12 enfants.
Les historiens et les généalogistes comptent François Bélanger
parmi les tout premiers pionniers de la Nouvelle-France. Des 1634, il signe,
probablement à Mortagne, un contrat de trois ans avec Robert Giffard, seigneur
de Beauport. La même année, il arrive à Québec sur le même bateau qui
transporte son employeur et peut-être même sa future épouse et sa famille.
Après avoir respecté son contrat à la seigneurie de Beauport et s'être
marié, il reçoit enfin une concession de six arpents de front à Château Richer.
Il s'y établit avec sa jeune famille dés 1639.
Notre homme aura toujours plusieurs fers au feu. Ce qui ne l'empêchera
pas de réussir autant comme défricheur que comme homme public. En effet, le
recensement de 1667 nous montre qu'il est devenu un cultivateur à l'aise, selon
les critères de l'époque: il possède 50 arpents de terre mise en valeur et 13
bestiaux; il paie des études à sa fille Mathurine chez les Ursulines de Québec
et engage sur la ferme deux domestiques.
Tout en cultivant et en agrandissant son lot, il trouve le temps de
mériter la confiance de ses concitoyens qui, reconnaisant ses qualités
d'administrateur, le nomment syndic de la cote de Beaupré ( en 1653 ),
marguillier de la paroisse de Château-Richer (1658-1662), curateur des biens
du co-seigneur Olivier Le Tardif (1662) et capitaine de milice (1666).
Toute lumiere fait son ombre. Autrement dit, le beau François
Bélanger a les défauts de ses qualités. Raymond Bélanger reconnaît que le grand
ancêtre avait aussi un coté emmerdeur. Quand il le présente comme ¨un plaideur
acharné à défendre ses idées, soit devant le Conseil souverain¨ , il faut
entendre qu'il avait une tête de cochon et collectionnait les procès pour le
plaisirs de la chose.
De 1670 à 1674, il est sans arrêt devant les tribunaux. on ne compte
plus ses démêlés avec ses voisins, ses parents ou ses associés qu'il poursuit
pour des questions d'arpentage, de droits de passage et de comptes à payer
réels ou imaginaires. Quand il ne se chicane pas avec son beau-frère, simon
Guyon, c'est avec son ancien associé, Massé Gravel, ou son gendre, Simon Chesnay
de la Garenne. Ses procès, il les perdra tous ou peu s'en faut. Et exaspéré par
une mauvaise volonté aussi évidente qui perturbait les affaires courantes de la
colonie, le Conseil souverain en arrivera à le condamner à aller présenter des
excuses à l'intendant.
L'âge aidant, François Bélanger finira par calmer ses ardeurs
belliqueuses. D'autant plus qu'en juillet 1677, le gouverneur Frontenac
reconnaît les services qu'il a rendus à la jeune colonie en lui concédant des
terres couvrant une lieue et demie de front sur le Saint-Laurent par deux
lieues de profondeur, dans la région de L'Islet , sur la Cote-du-Sud. Un vrai
domaine qui sera connu par la suite sous le nom de seigneurie de Bonsecours.
Plusieurs ont obtenu leur seigneurie en Nouvelle-France en l'achetant.
François aura obtenu la sienne grâce à son seul mérite, note Raymond Bélanger.
Petite précision éclairante: le recencement de 1681 place la famille Bélanger
dans la seigneurie de Bellechasse, dont fait partie le fief de Bonsecours.
François et Marie installeront plusieurs de leurs enfants dans la région.
C'est leur fils Louis et son épouse Marguerite Lefrançois qui porteront les
premiers, officiellement le titre de " seigneurs de L'Islet ". Les deux
ancêtres, eux, " se donneront" à leur fils Jacques chez qui ils vivront les
dernières années de leur vie.
On ignore la date du décès de François Bélanger et le lieu de sa
sépulture. On sait qu'il n'était plus la quand Marie ratifiera la donation à
Jacques , en avril 1687. Marie survivra à son mari encore 10 ans. Elle sera
inhumée à Cap-Saint-Ignace, le 1er septembre 1696.
Dix des douzes enfants de François et de Marie, autant les filles que
les garçons, auront une progéniture. Plusieurs filles feront souche à leur tour
en s'alliant aux pionniers des familles Langlois et Rousseau, notammant .
NICOLAS BELLANGER
Les généalogistes retiennent deux souches Bélanger. Arrivé 20 ans
après le premier ancêtre, Nicolas Bellanger (avec un " a " ) n'avait pas
l'ambition de l'autre. Il laissera cependant des traces sensibles dans la
petite histoire de Beauport à travers le maison Girardin. On a longtemps cru
qu'elle avait été construite, entre 1727 et 1735 , sue l' ancienne terre de
Nicolas Bélanger. La société historique de Beauport avance maintenant,
recherches sérieuses à l'appui, que l'ancêtre Nicolas possédait une terre
voisine.
Quoi qu'il en soit, on peut dire sans risquer de se tromper que les deux
ancêtres Bélanger eurent l'intelligence ou la chance, c'est selon, de marier
des femmes solides. Né à Touques, évêché de Lisieux, en Normandie, Nicolas
épousera Marie de Rainville, à Beauport, en 1660. Marie a 15 ans et Nicolas
est dans la vingtaine. De leur union naissent 12 enfants.
Nicolas s'intéresse plus à la pêche qu'à la terre, mais c'est finalement
comme cultivateur qu'il gagnera confortablement sa vie sur ses terres de
Beauport. Après une vie de durs labeurs, écrit le généalogiste Langlois, il
décède prématurément, à Beauport, à l'âge de 50 ans.
Sa fidèle épouse Marie vivra encore 28 années. Elle dirigera seule,
comme un seul homme , les biens laissés par Nicolas. Elle décédera le 6
novembre 1711 et sera inhumée à Beauport.
Grâce à leur formidable fécondité, les deux ancêtres Bélanger, François
et Nicolas, sont à l'origine d'un patronyme qui a peuplé largement toute
l'Amérique. Dans la région de Québec et dans l'est du Québec, les Bélanger sont
les 14e des grandes familles par le nombre de descendant, selon L'Institut
québécois de la statistique.